骑车帽防晒空顶帽 Qí chē mào fángshài kōng dǐng mào – Les coquettes en masque de soudeur

Le bronzage n’est pas à la mode en Chine : on l’associe au monde paysan et aux travaux manuels en extérieur. À la ville on se garde donc bien de s’exposer au soleil, surtout les femmes, qui cherchent à éviter ses rayons à tout prix, pour ne pas voir leur teint se hâler. Chaque partie du corps est susceptible de faire l’objet d’attentions en la matière : gants pour recouvrir mains et avant-bras, collants pour protéger les jambes (même lorsque la température atteint 40°), mais c’est  surtout le visage qu’il faut impérativement soustraire aux UV maléfiques.

A chaque situation, sa solution. Lorsqu’elles sont à pied, les Chinoises couvrent parfois leur tête d’un chapeau, mais le plus souvent, elles préfèrent déambuler sous la protection de leur ombrelle pliante (un simple parapluie).

IMGP7174IMGP7772Pour leurs déplacements à vélo ou en deux roues, elles optent en revanche pour la 骑车帽防晒空顶帽 Qí chē mào fángshài kōng dǐng mào, littéralement la visière de protection solaire pour vélo, que j’appelle quant à moi, en l’absence de dénomination officielle, la visière de soudeur : un accessoire étonnant à la croisée de la casquette et du masque de soudeur.

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La visière qui protège du soleil et du vent est fixée de manière mobile sur un serre-tête : elle peut ainsi être portée en position basse ou relevée. Chic et pratique.

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6月4日 – 4 juin

不见、不闻、不言 Bùjiàn, bù wén, bù yán – Ne pas voir, ne pas entendre, ne pas parler

不看, 不听, 不说 Bù kàn, bù tīng, bù shuō – Ne pas voir, ne pas entendre, ne pas parler

C’est une maxime d’origine chinoise qui court depuis des siècles jusqu’à aujourd’hui. Surtout aujourd’hui.

蝈蝈 Guō guō – Le criquet du bonheur

IMGP6800Ca y est, nous y sommes. Comme toutes les familles, nous avons dû faire face aux incessantes requêtes d’animal domestique de la part d’Héloïse et, de guerre lasse, nous avons fini par céder. C’est ainsi que 蝈蝈 Guō guō a rejoint notre foyer. Non il ne s’agit pas d’un chiot (狗狗 Gǒu gǒu, rien à voir !), ni même d’un chat, d’un lapin, d’un hamster, d’une souris, d’un oiseau ou d’un poisson rouge, non rien de tout cela, Guoguo est un… criquet !

Criquet ou grillon ? Quand elle n’ennuie pas, la question semble diviser les foules. La plupart du temps, l’un et l’autre terme sont utilisés indifféremment, mais certains revendiquent que le criquet est un guerrier et que le grillon est un insecte chantant et porte-bonheur, tandis que d’autres affirment exactement l’inverse. Il est en effet assez difficile de faire la part des choses en raison de la ressemblance de ces insectes, des différentes qualités qu’on leur prête selon les cultures, et enfin des catégories de dénomination (scientifiques ou populaires), auxquelles s’ajoutent les éternels problèmes de traduction.

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Pourtant, si l’on veut être précis, grillons et criquets sont bien différents : les premiers sont généralement bruns, doté d’une queue de pie, courts sur pattes, belliqueux et peu chanteurs ; les seconds ont de longues pattes comme leurs cousines sauterelles, sont tour à tour bruns, jaunes, bleus ou verts et ils chantent du matin jusqu’au soir.

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Bruns, teigneux et dotés d’une queue de pie: ce sont des grillons!

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Abdomen multicolore, pattes arrières coudées et très relevées: ce sont des criquets!

Mais il y a de quoi s’y perdre car les anglophones semblent vouloir compliquer l’affaire avec leurs « fighting crickets » qui ne sont autres que des 蟋蟀 Xīshuài (ou encore 油葫芦 Yóu hu lú), c’est à dire des grillons; et les grillons par ailleurs n’y mettent pas non plus du leur en chantant parfois à la manière des criquets (enfin techniquement, leur stridulation a une origine différente). Oui mais alors, lequel des deux porte bonheur ? Je ne saurais me prononcer pour l’heure…

Quoiqu’il en soit, le nôtre étant affublé de longues pattes, d’une tête bleue et d’une « voix » haut perchée, il s’agit sans nul doute d’un criquet, ce qui lui vaut, ainsi qu’à tous ses congénères de Chine, l’appellation affective de 蝈蝈 Guō guō (蝈蝈儿 Guō guō ēr pour la version pékinoise) .

IMGP6824Et je dois dire que Guoguo se comporte en parfait animal de compagnie : il se contente de quelques épluchures et son chant égaie toute la maison (à condition de ne pas le laisser dans la chambre des enfants, sous peine de réveil précoce). C’est bien cette qualité qui l’a rendu si populaire en Chine depuis des siècles, malgré une phase de désamour durant la révolution culturelle : la possession d’un criquet était alors associée aux mœurs (décadentes !) de la Chine impériale et entrait de fait dans la catégorie des 四旧 sì jiù, les « quatre vieilleries » à éradiquer. IMGP6794Mais aujourd’hui les criquets ont retrouvé leur popularité et rien n’est plus aisé que de s’en procurer un. A l’arrivée de l’été, les vendeurs ambulants arpentent les rues à bicyclette, précédés du chant des dizaines d’insectes qu’ils transportent avec eux dans autant de petites cages individuelles en sorgho. Pour IMGP6786quelques yuans on peut choisir son criquet et bénéficier de son chant à la maison, ou partout avec soi. Dans les marchés spécialisés, on peut en effet se procurer des cages de toutes sortes, mais aussi des boîtes destinées au transport quotidien du criquet. Afin qu’il ne prenne pas froid l’hiver, on peut investir dans une housse en tissus pour envelopper la cage en plastique ou, mieux encore, dans une calebasse spécialement travaillée pour accueillir l’insecte chanteur. Ces petits logis de forme cylindrique, que l’on garde au chaud dans son manteau, sont de véritables objets d’art.

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Pour notre guoguo, nous avons choisi une cage aux allures de celles habituellement conçues pour les oiseaux, avec mangeoire et perchoir intégrés. Le grand luxe. Elle est bien plus spacieuse que les modèles traditionnels, mais n’en reste pas moins une cage, me diront les défenseurs du bien-être animal. Héloïse est aussi de cet avis, et nous avons convenu que le moment venu, Guoguo retournerait à la nature (si tant est que la zone comprise entre le deuxième et le troisième périphérique de Pékin puisse être apparentée à la « nature »). En attendant, il profite de son menu chou et carotte à volonté, et nous de son chant estival.

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文玩核桃 Wén wán hétáo – La paire de noix

IMGP6414 BISLes Chinois adorent les noix. Ils aiment en consommer le fruit, dont la forme et les replis rappellent la plastique du cerveau, symbole de l’intelligence, mais les noix sont aussi et surtout présentes sur les étals des marchés non alimentaires, car elles sont avant tout recherchées pour leur qualité décorative et pour leurs autres vertus. Dans ce cas, ce n’est pas le fruit qui est convoité, mais l’écale, c’est-à-dire l’enveloppe rigide entourant le noyau comestible.

On pourrait croire à prime abord que c’est pour évacuer le stress que les hommes passent leur temps à faire rouler l’une contre l’autre deux noix dans la paume de leur main, mais ce n’est pas la raison première d’une telle habitude. Les noix sont considérées par leur propriétaire comme le prolongement de son corps : le contact prolongé avec cette matière noble, que la main, la peau et la sueur vont  façonner et polir au fil des ans, les transforme en objet unique et personnel. A tel point qu’elles sont dignes d’être transmises de père en fils.

IMGP6416On les acquiert toujours par paire, pour quelques yuans ou pour quelques… milliers de yuans ! Les fins connaisseurs recherchent les noix aux plus belles nervures, et surtout, la paire parfaite, c’est-à-dire celle composée de deux noix quasi identiques. Ceux qui ont l’œil aguerri tentent de la dénicher eux-mêmes en triant et en comparant pendant des heures les noix d’un tas à même le sol ; d’autres plus joueurs et plus économes se dirigeront vers un étal proposant les noix encore dans leur péricarpe et tâcheront de former une paire en se fiant au brou. Quant à ceux qui désirent acquérir une paire parfaite à coup sûr, ils pourront se la procurer auprès de vendeurs experts, mais devront alors débourser entre 500 et 2000 yuans (soit de 50 à plus de 200 €), et parfois davantage encore.

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Des paires déjà formées, vendues entre 600 et 2000 yuans

Des paires déjà formées, vendues entre 600 et 2000 yuans

 

开裆裤 Kāidāngkù – La culotte fendue contre-attaque

IMGP6318Vous en rêviez secrètement et je l’ai fait : j’ai testé pour vous la culotte fendue. Enfin mon fils plus exactement, pas moi, bande de petits coquins qui atterrissez quotidiennement sur mon blog en tapant « culotte fendue » dans vos moteurs de recherches dans l’espoir de vous rincer l’œil sur des amatrices de lingerie d’un goût douteux (et j’en profite au passage pour vous remercier de gonfler avantageusement les statistiques de mon blog).

Depuis longtemps je m’interrogeais sur le mode d’emploi de cette fameuse culotte fendue, sur l’hygiène au quotidien d’une telle pratique, sur le nombre de lessives qu’un tel accoutrement pouvait engendrer, et je m’étais promis d’observer davantage les petits Chinois et de me renseigner sur cet usage. Mais en dehors du spectacle des bambins déjà en âge de marcher et de s’accroupir seuls dans la rue pour faire leurs besoins, je n’en savais toujours pas plus la propreté des bébés et des intérieurs chinois.

Et puis j’ai pensé que j’avais un cobaye parfait pour cette mission : mon fils. Qui plus est accompagné d’une experte en la matière, 金阿姨. Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas si la seule curiosité de voir l’intimité de mon fils à l’air libre aurait véritablement suffi à franchir le pas de la culotte fendue. Un érythème fessier et deux jours pluvieux empêchant les couches lavables de sécher correctement ont achevé de me convaincre et j’ai demandé à 金阿姨 de se procurer une 开裆裤. Je crois que je n’aurais pas pu la rendre plus heureuse.

Et c’est ainsi qu’un beau matin, Gustave a porté sa première culotte fendue.

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J’ai trouvé ça bizarre, 金阿姨 a trouvé ça adorable. Ou comment la culotte fendue n’est pas uniquement un vêtement pratique aux yeux des Chinois, mais aussi une tenue craquante (dans tous les sens du terme ; d’ailleurs, les Québécois appellent la culotte fendue « crack de fesse »).

Mais je n’en étais qu’au début de mes surprises. Je m’attendais à ce que mon fils mouille et salisse à peu près tout ce qui l’entoure (et ce fut effectivement le cas), mais je ne m’attendais pas à ce que mon appartement tout entier se transforme en pipi room, et à ce que le port de la culotte fendue accapare autant 金阿姨. Car la culotte fendue, c’est tout un art et un travail à temps plein. Il ne s’agit pas simplement de l’enfiler sur les fesses (ou plutôt autour des fesses) du bébé et de le laisser redécorer librement toutes les surfaces sur lesquelles il repose ; il faut aussi et surtout l’accompagner dans cette démarche. C’est-à-dire inviter régulièrement l’enfant à faire ses besoins, à force de « psssssss , pssssssss », en le tenant accroupi au dessus du sol (carrelé de préférence). Hasard statistique ou persévérance, l’expérience s’est avérée plutôt concluante (comprendre : l’ensemble des pièces de notre appartement a été baptisé), et très ludique (Gustave ne tient pas encore debout, mais le jeu du pipi le plus loin possible est déjà d’actualité).

IMGP5516Voilà donc une méthode plutôt contraignante, mais sans nul doute très efficace en ce qui concerne l’acquisition de la propreté. Que celles qui souhaitent tester sur leur progéniture me fassent signe, je me ferai un plaisir de  rapporter quelques culottes fendues dans nos valises à notre prochain retour en France.

护袖 Hù xiù – les protège-manches

IMGP4204On dit souvent que c’est aux petits détails que l’on reconnaît l’origine des gens. Cet hiver nous avons franchi un grand cap sur le chemin de l’acculturation chinoise en adoptant l’un des accessoires vestimentaires fétiches des Chinois : les 护袖 hù xiù, ou protège-manches, de 护 hù, protéger, et 袖 xiù, manche.

Le concept est assez simple : il s’agit de protéger les manches des vêtements à l’aide d’un tissu cousu en forme de manchon et garni d’élastiques à chaque bord. Cet accessoire de la tenue des travailleurs et travailleuses à l’usine, au marché et dans les champs, est confectionné avec soin par les femmes qui l’assortissent à leur veste ou leur manteau, et n’est pas dépourvu de charme selon le motif choisi.

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IMGP3576Tous les enfants ont eux-aussi leurs protège-manches dès leur plus jeune âge et ce morceau de tissu s’est peu à peu transformé en un accessoire de mode chez les classes populaires, surtout à la ville où il se pare non sans prétention de petits nœuds, pampilles et fanfreluches.

Après avoir longtemps regardé le protège-manche avec un dédain très parisien, j’ai fini par l’adopter avec enthousiasme pour le manteau d’Héloïse dont la blancheur était soumise à rude épreuve (à l’époque de mon achat j’étais encore très naïve et ne connaissais pas l’incompatibilité vêtement blanc/enfant de 4 ans).

IMGP4650Ou comment deux morceaux de tissu à pois roses parviennent, davantage que bien des heures d’étude du mandarin, à nous faire sentir un peu chinois.

书法 Shūfǎ – La calligraphie à l’eau

La calligraphie est un art majeur, si ce n’est l’art majeur de la culture chinoise : le tracé des caractères est à l’origine de la peinture chinoise, car la lettre et le dessin, tout comme le mot et l’image, sont inséparables (les idéogrammes étant, par définition, la transcription d’une image, d’un concept). Quand on pense à la calligraphie, on a à l’esprit ces belles estampes à l’encre de Chine, mais il existe une autre façon, encore plus poétique s’il en est, de pratiquer cet art : la calligraphie à l’eau.

IMGP2078IMGP2081Le principe est on ne peut plus simple : il s’agit de tracer, à même le sol, à l’aide d’un pinceau trempé dans de l’eau, des caractères éphémères voués à disparaître sous les rayons du soleil.

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Moins poétique mais tout aussi fugace, le tracé des caractères sur un tapis de calligraphie : le papier hydrophile se noircit au contact de l’eau et permet ainsi de s’exercer à la calligraphie chez soi. Une fois la feuille de papier sèche, les caractères disparaissent et on peut écrire à nouveau.

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